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…et le soleil qui rougeoie. Un peu plus tard dans mon périple à Madagascar, bien après la rencontre que j’ai évoquée dans mes lettres avec Violette et sa ferronnerie solidaire, le vert emplissait mes yeux tout entiers. Assise dans un bus, je suivais du regard les plants de riz qui défilaient sans fin dans le paysage, formidable étendue frissonnante semée, en arrière-plan, d’arbres qui étiraient leurs branches vers le ciel.

Les hommes et les femmes, qui, par moment, déambulaient au milieu des rizières avec une canne à pêche à la main ne me surprenaient plus. Là où il y a de l’eau, il y a du poisson, et là où il y a du poisson, il y a de quoi remplir la casserole pour un soir. Le bus s’est arrêté au bord d’un chemin, l’heure d’une petite pause, sans doute.

Philosophie du riz

J’ai étiré mon dos pour le remercier d’avoir résisté aux cahots de la route, puis mon attention s’est portée sur la scène qui se jouait juste au bord du champ, à quelques mètres de la route. Quatre personnes se tenaient là, debout sur une grande bâche étalée sur le bord de la rizière. À tour de rôle, ils saisissaient des fagots de riz germé, et l’abattaient vivement sur une petite structure de pierre. Telles les étincelles nées des coups du marteau du forgeron, les grains de riz se détachaient, et allaient s’étaler paresseusement sur le sol. Le fastidieux de ce travail sans fin ne semblait nullement décourager les paysans, qui travaillaient à un rythme posé, s’arrêtant de temps à autre pour s’étirer ou fixer l’horizon. Je songeais qu’à leur place, j’aurais probablement plutôt contemplé avec angoisse l’étendue verdoyante qui représentait ce qu’il me restait à faire ! Les muscles noueux du plus âgé d’entre eux laissaient voir des entrelacs de veines saillants. Sans doute avait-il dépassé ce genre de doutes depuis bien longtemps. Soudain, son regard a croisé le mien. Il y est resté plongé pendant quelques secondes qui m’ont paru une éternité. Il avait les yeux qui pétillaient, presque comme s’il avait su lire très exactement ce qui s’était déroulé dans le théâtre de mon esprit. Puis il a souri, découvrant une absence partielle de dents qui dégageait pourtant une sensation de douce chaleur tout à fait complète. Le temps d’un sourire, c’était tout, le bus devait déjà repartir. Mais le souvenir de ces travailleurs du riz a flotté encore longtemps dans mon esprit…
 

À bientôt par lettre, 

Alice

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