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Chers correspondants, 

Il y a un peu plus d’un mois, je vous ai conté mon escapade en Transylvanie, une partie du monde qui, avouons le, fait souvent fantasmer pour son lien à la  légende du comte Dracula ! Je me suis donc renseignée un peu (comprendre, emprunter un monticule de livres à la bibliothèque) sur ce mythe, et j’ai eu la surprise d’apprendre que le fameux Dracula avait bel et bien existé ! 

Bram Stoker, l’auteur de la légende de Dracula, s’est en effet inspiré d’un certain Vlad Tepes, fils de Vlad Dracul prince de Valachie au 15e siècle. Pour situer, la Valachie formait alors, avec la Transylvanie et la Moldavie, la Roumanie de l’époque. Notez qu’il n’était donc même pas un Transylvanien !

La cruauté du comte Dracula

Cela n’est rien de dire que le fameux Dracula se traînait, déjà à l’époque, une sale réputation. Un nombre incalculable d’atrocités supposément commises par ce prince sont rentrées dans l’histoire : il aurait, entre autres, invité de pauvres gens à dîner pour finalement les enfermer et les brûler vifs dans la pièce, fait rôtir des enfants pour les donner à manger à leurs mères, fait clouer des turbans sur la tête de Turcs qui refusaient de se découvrir devant lui, empalé une femme “paresseuse” après avoir croisé la route de son mari qui portrait une chemise sale, empalé quelque 20.000 prisonniers de guerre pour en faire une véritable forêt terrifiant ses ennemis… Bref, un bon petit florilège d’actions tout à fait réjouissantes, qui lui ont valu le surnom de “Vlad l’empaleur” !

Globalement, tous les historiens s’accordent à dire que certaines de ces légendes sont certainement basées sur des actions de guerre pas si jolies-jolies, comme on en retrouve dans à peu près toutes les nations. Mais la grande question est : a-t-il vraiment mérité tout ce qu’on raconte sur lui ? Selon des historiens qui ont creusé la question, notre Dracula aurait en fait aussi victime d’une véritable propagande politique ! 

Un game of thrones à la Dracula

Accrochez-vous bien, que je vous explique les rouages d’une bonne grosse partie d’échecs politiques qui a fini par créer un vampire mondialement connu ! Ce qui est certain, c’est que Vlad appliquait sur son territoire une politique protectionniste, qui ne plaisait pas aux marchands Saxons. Peut-être a-t-il en effet sévi cruellement sur ces derniers.
Au 15e siècle, la Valachie, dont Dracula est Prince, est un poil pris en étau entre l’empire ottoman, à qui il paie un tribut, et le royaume de Hongrie, à qui il doit aussi obéissance. L’empire ottoman, lui, fait régulièrement des percées contre les frontières hongroises. Bref, c’est la guerre, et la position de Dracula n’est pas des plus confortables ! Mais il est plutôt (très très) anti ottoman. Or, c’est plutôt le roi de Hongrie qui va le trahir dans les grandes largeurs, selon l’historien Matei Cazacu

En 1459, Dracula s’emballe un peu, et pense voir venir une offensive hongroise, soutenue par le Pape, contre l’empire ottoman. En fait, le Pape y pensait effectivement, mais cela n’était pas non plus sûr, sûr… Cela n’empêche pas Vlad Dracul de cesser de verser son tribut, et de lancer un raid contre les ottomans !

Une propagande anti Dracula

Pour le roi de Hongrie, qui est déjà pris dans d’autres complications, le moment n’est pas idéal. Il soutient donc l’offensive, mais mollement. Toujours selon le même historien, il fait même un peu exprès de faire avancer ses troupes lentement pour arriver après la bataille et ne pas épuiser ses forces, le filou ! Dracula résiste quand même, et conserve son trône même s’il ne renverse pas la situation.

C’est alors que le roi de Hongrie va finalement décider de littéralement le jeter en pâture. En effet, il y a un autre prétendant au trône de Valachie, qui n’est autre que, tadam, le frère de Dracula ! Et celui-ci a l’assentiment des ottomans… Le voir au pouvoir arrangerait donc bien les affaires de notre Mathias de Hongrie, puisque la zone frontière serait bien plus pacifiée avec ce frère qu’avec Dracula, qui n’est pas aimé par les ottomans et est, de plus, très motivé pour leur botter le postérieur.

Le roi de Hongrie lance donc une véritable campagne de propagande contre les faits et gestes de Dracula ! Il envoie des lettres prétendument écrites par Vlad au Pape, qui l’accusent d’avoir voulu livrer le roi de Hongrie aux ottomans en échange de leur pardon. Pour faire bonne mesure, il joint un récit détaillés de toutes les atrocités supposément commises par Dracula. Tout cela finit par faire un livre, qui est développé, diffusé, et devient très officiel ! Michel Beheim, poète allemand, écrit même des poèmes qui relatent les infamies de Dracula, comme celui-ci, dont j’ai déniché une traduction en anglais 

“ It was his pleasure and gave him courage 

To see human blood flow 

And it was his custom 

To wash his hands in it 

As it was brought to the table”

On serait donc peut-être bien passé d’actes de guerres, certes terribles, mais malheureusement communs à cette époque, à une légende absolument horrifique d’un monstre avide de sang et de détresse qui fait rôtir des bébés au petit déjeuner.

Dracula, monstre sanguinaire ou héros du peuple ?

Et ce qui est étonnant, c’est que cette version a été assez peu remise en question ! Comme les principaux écrits traduits, et les mieux diffusés, étaient ceux-ci, de nombreux historiens les ont pris comme base, sans forcément aller creuser dans les archives sur place, comme le regrette l’historien Peter Mario Kreuter, auteur sur ce sujet de “Comment l’ignorance a créé un monstre”. Encore aujourd’hui, lorsqu’on prend rapidement des articles sur la “vraie vie de Dracula”, on retrouve peu de références à cette période de propagande massive anti Dracula ! Pour les plus curieux, Peter Mario Kreuter nous explique même avec moult détails à quel point certains faits relatés sont tout bonnement impossibles, comme cette “forêt des 20.000 empalés”, puisque les plus grandes villes telles que Bruxelles, à l’époque, comptaient à peine 40.000 habitants. Il donne aussi des détails peu ragoutants sur la méthode de l’empalement, qui prend énormément de temps et n’aurait pas pu être mise en place de façon aussi massive.

Ce qui est amusant, c’est que si Dracula a été érigé en monstre par certains, il a aussi été glorifié comme héros du peuple au fil de l’histoire par d’autres, toujours sur la base de récits transformés en légendes…

Difficile de savoir, dans tout cela, où se situe la part de vérité ! Ce qui est certain, c’est qu’il nous aura légué, par la suite, de belles légendes vampiriques… 

À bientôt par lettres,

Alice

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