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Bé le bunjhor !

Ce mois-ci, mes correspondants ont été nombreux à recevoir des missives d’un endroit bien particulier, autoproclamé nombril du monde ! J’ai nommé le village de Pougne-Hérisson. Un lieu remarquable et remarqué qui a tissé dans ses murs sa petite légende personnelle… Au détour de ses rues et jardins, j’ai découvert des morceaux de légendes locales, des oeuvres fantasques… Mais pas seulement ! 

Le parlanjhe, kétokolé ?

Sur le muret d’une petite maison, je me souviens avoir été frappée par une chaise flanquée d’un petit panneau étonnant : “benaisez-vous”, indiquait-elle au visiteur. Sur le moment, j’avais mis ce mot intriguant de côté, mais finalement, cela m’a suffisamment turlupinée pour que j’aille faire quelques recherches. J’ai alors rapidement compris que ce mot n’était pas du français, mais du “parlanjhe” (ça veut dire, relaxez vous, en résumé) Alors, “kétokolé” donc que ça ?

Le Parlanjhe, c’est le petit nom du Poitevin-Saintongeais, une langue régionale parlée dans le centre-ouest de la France : ici !

En réalité, cela signifie tout simplement “parler” en Poitevin-Saintongeais, mais ça a fini par signifier la langue tout entière ! Rien à voir avec les voix des anges, mais ça reste fort rigolo.

La défense du parlanjhe

Comme environ toutes les langues locales françaises, le Parlanjhe est de moins en moins utilisé. Mais des associations et structures diverses se liguent aussi pour sa survie ! Souvent dans une ambiance plus que festive, comme vous pourrez le noter vous même dans cette vidéo de centre Presse sur la manifestation des Amis du parlanjhe.

À ce niveau là, ça me fait beaucoup penser au breton, qui voit aussi beaucoup d’amoureux de leur territoire se lever pour sa défense. Ca n’est donc pas un hasard si, ce jour là au Nombril du monde, le Parlanjhe a croisé mon chemin. Ce lieu culturel promeut tout particulièrement l’usage du poitevin Saintongeais, tout comme son fondateur, Yannick Jaulin ! Pour ceux à qui je n’en aurais pas déjà parlé dans une lettre, cet homme est un conteur très prolixe de spectacles et d’idées originales. Il utilise fréquemment le parlanjhe dans ses créations, et l’un des ses spectacles s’intitule même “Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour”. De nombreux livres paraissent aussi sur l’usage du Poitevin-Saintongeais dans la vie quotidienne : car pour préserver une langue, nombreux sont ceux qui défendent l’idée qu’il ne faut pas la momifier, mais au contraire l’introduire dans tous les domaines de la vie.

Le poitevin-santongeais, un trait d’union entre « oïl » et « oc » !

La grande particularité du parlanjhe est de toute façon qu’il s’agit d’une langue qui est née d’une sacrée bousculade ! Au moyen-âge, dans cette région centre-ouest, on parlait plutôt des langues d’Oc, et non des langues d’Oïl : pour ceux qui l’auraient oublié, il y avait en effet autrefois deux grosses tendances langagières, le nord de la France (Oïl), avec davantages d’influences celtes et allemandes, et le sud (Oc). 

Puis, différentes politiques se sont chargées d’écrabouiller un peu la diversité, qui n’était tout de même pas bien pratique pour gouverner. Mais comme parfois il y a des réactions chimiques amusantes (il est vrai que j’ai peut-être des objets d’amusement étranges, je vous l’accorde), cette tentative d’uniformisation a participé en réalité à une certaine unification des langues populaires de cette zone, ce qu’on a appelé plus tard le Poitevin-Saintongeais (même si certains défendent un particularisme du Poitevin ET du Saintongeais, je tiens à le préciser afin d’éviter un flot d’injures en parlanjhe !) Finalement, de nombreux spécialistes s’accordent à dire que cette langue est une sorte de trait d’union entre l’occitan, ou ce qui reste de la langue d’oc, et la langue d’Oïl ! 

D’ailleurs, il s’agit un peu d’une langue indomptable, puisque personne n’a jamais vraiment réussi à se mettre d’accord sur une façon de l’écrire officielle, malgré de très nombreuses propositions. Du coup, on peut l’écrire un peu comme on veut, ce qui est tout de même extrêmement pratique pour ne pas faire de fôtes d’ortaugraffe !

Je vous laisse méditer sur un peu plus de musicalité parlanjhesque avec une petite vidéo de Yannick Jaulin, qui nous explique ce qu’est “gavagner” !

À bientôt par courrier, 

Alice

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